L’article 26 du Code des impôts sur le revenu permet d’ajouter aux bénéfices propres d’une entreprise établie en Belgique, les avantages anormaux bénévoles qu’elle accorde à d’autres contribuables, sauf si les avantages interviennent pour déterminer les revenus imposables des bénéficiaires.
L’exemple suivant permet de saisir la portée de cette disposition : une société décide d’acquérir des actions appartenant à son administrateur délégué. Elle paye un prix surfait par rapport à la valorisation exacte des titres. Elle accorde incontestablement un avantage anormal, mais cet avantage anormal ne sera pas taxé dans son chef, dans la mesure où il entre dans la détermination de la base imposable du bénéficiaire. En effet, ce dernier étant administrateur, l’avantage peut être taxé dans son chef au titre d’avantage de toute nature, comme revenu professionnel.
En revanche, si elle avait décidé d’acheter trop cher des actions appartenant à l’un de ses actionnaires, cet avantage aurait été ajouté à ses bénéfices imposables, dans la mesure où il n’entre pas dans la détermination de la base imposable du bénéficiaire, son actionnaire.
Une des conditions d’application de cette disposition est que l’avantage soit accordé par une entreprise établie en Belgique.
La notion d’entreprise peut se définir par référence aux dispositions du Code comme une entreprise industrielle, commerciale ou agricole.
Une personne physique agissant dans le cadre de son patrimoine privé n’est pas une entreprise, avec pour conséquence que, si elle devait céder des actions qu’elle détient à une société pour une valeur trop faible, accordant ainsi un avantage anormal à la société, il n’en résulterait aucune conséquence dans le chef de la personne physique.
Dans le chef de la société, on peut tout au plus s’interroger sur la possibilité de comptabiliser les actions ainsi acquises à leur valeur d’acquisition ou s’il est nécessaire, compte tenu de la jurisprudence Artworks System et de l’avis de la commission des normes comptables, très critiqués par ailleurs, de les comptabiliser à leur valeur réelle.
Dans ce contexte, un jugement rendu par le Tribunal de 1ère instance de Mons le
15 septembre dernier étonne quelque peu.
Il s’agissait de deux résidents belges qui avaient constitué une société de droit français, ayant pour objet l’exploitation d’un parc d’attractions.
La société était en difficulté et l’un des actionnaires lui octroye un prêt sans intérêts.
L’administration entend taxer ce prêt sans intérêts comme avantage anormal et ajoute donc aux revenus professionnels de la personne physique concernée, un certain montant d’intérêts fictifs.
Dans sa décision du 15 septembre, le Tribunal constate que la société bénéficiaire était une société en difficulté.
Le Tribunal se réfère à la jurisprudence de la Cour d’appel de Mons selon laquelle un prêt sans intérêt, constituant une aide financière d’une société mère à une filiale en difficulté, ne doit pas être considéré comme un avantage anormal ou bénévole.
Le Tribunal considère in fine qu’en tant qu’actionnaire, la personne physique a tenté de sauver l’entreprise et de sauvegarder son patrimoine en octroyant des prêts temporaires sans intérêts. Il conclut à l’absence d’avantage anormal.
On peut cependant se demander si cette question avait réellement un sens, dès l’instant où la personne octroyant l’avantage anormal en question est une personne physique agissant en tant qu’actionnaire. Cette personne physique ne peut, à notre sens, être considérée comme une entreprise au sens de l’article 26, de sorte que la question devenait sans objet.
Dès l’instant où l’on reconnaît qu’elle agit pour protéger son patrimoine en qualité d’actionnaire, ce patrimoine est nécessairement un patrimoine privé, de sorte qu’elle ne constitue pas une entreprise visée par l’article 26 CIR.
Admettre le contraire reviendrait à donner un champ d’application excessif à l’article 26 du Code des impôts sur les revenus qui a essentiellement pour but d’éviter les transferts anormaux de bénéfices entre entreprises.