Le jugement de Mons commenté ci-après censure à bon droit la requalification par l’administration fiscale d’un rachat exonéré d’actions propres en distribution taxable de dividendes.
Le tribunal constate avec pragmatisme qu’un rachat d’actions est déjà requalifié par le Code lui-même (art. 186) en distribution de dividendes (certes exonérée).
Partant, dire qu’une distribution exonérée de dividendes est en réalité une distribution taxée des dividendes n’est pas une requalification, puisque l’on conserve à l’acte la même qualification juridique, soit une distribution de dividendes, mais que l’on se borne à en changer le traitement fiscal (l’on passe d’une distribution exonérée de dividendes à une distribution taxée de dividendes).
Or, l’article 344 CIR permet uniquement à l’administration de retenir une autre qualification juridique que celle choisie par le contribuable. Tel n’est pas le cas en l’occurrence, puisque l’administration ne requalifie pas l’opération, mais modifie son régime d’imposition.
Le tribunal relève que l’intention des auteurs de l’article 344 n’était pas d’ériger cette norme en règle générale destinée à permettre qu’il soit recouru “ à tout bout de champ à la faculté de requalifier ” et que cet article “ ne peut être utilisé pour remédier aux conséquences d’un système établi par la loi qui se révélerait aux yeux de la partie défenderesse trop favorable au redevable dans certaines situations ”.
Ce jugement sévère (mais juste) à l’encontre de l’administration s’inscrit dans le cadre d’une jurisprudence qui refuse l’application de l’article 344, § 1er au rachat d’actions propres.
On comprend mieux le fondement de la loi du 24 décembre 2002 qui soumet les rachats d’actions propres au précompte mobilier de 10 %, à l’instar des bonis de liquidation. L’administration fiscale a en effet pressenti, à la lecture de la doctrine en la matière, que son “ action nationale de lutte contre les rachats ” allait être censurée.
Ajoutons que d’autres arguments juridiques rendent impossible une requalification en distribution de dividendes, et notamment les effets juridiques distincts des deux opérations, du moins lorsque tous les actionnaires ne participent pas, dans les mêmes proportions, à l’opération.
Les rachats d’actions propres opérés avant l’entrée en vigueur de la loi du 24 décembre 2002 doivent dès lors échapper à la requalification en distribution taxable de dividendes.